Il s’agit de Mme X Y, âgée de 62 ans sans qui a été orientée par son médecin cardiologue pour une remise en état de la cavité buccale.
HISTOIRE DE LA MALADIE :
En effet, la patiente rapporte l’existence d’un processus carieux évolutif depuis des années et ce par peu d’intérêt qu’elle porte à sa denture.
Des douleurs provoquées surtout par les variations thermiques presque au niveau de toutes les dents sont signalées par la patiente. Aucun antécédent d’accident infectieux n’a été relevé chez elle.
ANTECEDENTS :
L’interrogatoire révèle que la patiente est cardiopathe depuis 3 ans, selon son médecin traitant, elle présente les affections suivantes :
- Une valvulopathie mitrale modérée ;
- Une angine de poitrine ;
- Et une hypertension artérielle ;
- Le cardiologue signal que la susnommée est stable sur le plan hémodynamique.
Actuellement, elle est soumise à plusieurs médications :
- RISORDAN à 5mg à raison d’un cp 3x/j qui est un vasodilatateur utilisé dans le traitement préventif et curatif de la crise d’Angor
- LASILIX à 200mg à raison d’ 1/2 cp/j, qui est diurétique
- COZAAR à 10mg à raison d’1 cp 2x/j, qui est un antihypertenseur
- TAHOR à 10mg à raison d’1 cp 2x/j qui est un anti hypercholéstérolémique
- ASPEGIC à 100mg à raison d’1 sachet/ j, et qui est un antiagrégant plaquettaire
De ce fait la malade est exposée à un double risque ; l’un lié à la maladie et l’autre est lié à la prise médicamenteuse.
EXAMEN EXO BUCCAL :
Dans l’examen exo buccal on doit déterminer :
· la symétrie faciale,
· l’état des téguments de recouvrement.
· La palpation des ATM pour apprécier le jeu condylien et rechercher des bruits ou des douleurs articulaires.
· L’amplitude de l’ouverture buccale.
· le chemin de fermeture.
· L’exploration des aires ganglionnaires à la recherche des adénopathies.
EXAMEN ENDO BUCCAL :
· L’hygiène buccale.
· L’examen de la muqueuse buccale à savoir les lèves, la face interne des joues, le palais, le plancher buccal et la langue.
· L’examen de parodonte.
· L’examen de dents :
Signaler toutes les dents absentes ;
Les dents cariées ;
Les dents obturées ;
Effectuer les différents tests sur la ou les dents causales
EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Examen radiologique :
L’examen radio s’avère indispensable dans notre cas, il permet une évaluation en profondeur de l’état bucco-dentaire, et de l’état de l’os alvéolaire et la recherche d’une éventuelle image pathologique.
Pour cela une radio panoramique dentaire sera la radiographie de choix donnant une vue d’ensemble des deux arcades dentaires :
· La totalité de l’arc maxillaire et mandibulaire ;
· Elle permet de visualiser la totalité de sinus maxillaire ;
· Apprécier la trabéculation osseuse ;
· La situation des plancher des sinus par rapport aux racines dentaires ;
· Les éventuelles réactions péri apicales ;
· Les éventuelles atteintes septales ;
· Les migrations dentaires.
Une radio rétro-alvéolaire centrée pour chaque région est nécessaire pour compléter notre étude radiographique.
Examens biologiques :
· L’hémogramme et les constantes érythrocytaires sont normaux
· L’exploration biologique de l’hémostase primaire révèle un temps de saignement peu allongé et un taux de plaquettes dans les normes.
DIAGNOSTIC (+) :
Au terme de cet examen radio- clinique, on peut dire qu’on est en faveur d’une parodontolyse complexe sur 31, 41, 42, et une parodontolyse simple sur les autres dents à l’exception de : 32, 33, 34.
Du point de vue endodontique, le diagnostic est en faveur d’une :
· Dentinite avancée sur la 15 ;
· Dentinite superficielle sur la 11 et profonde sur la 35 ;
· 4ème degré sans réaction péri-apicale sur la 27 ;
· 4ème degré avec réaction péri-apicale chronique sur la 36 et en voie de réchauffement sur la 47.
DEMARCHE THERAPEUTIQUE :
Si on résume, il s’agit d’une patiente agée de 62 ans présentant plusieurs pathologies cardiques :
- Une valvulopathie mitrale modérée ;
- Une angine de poitrine ;
- Une hypertension artérielle ;
- Elle est traitée par : RISORDAN, LASILIX, COZAAR, TAHOR, ASPEGIC.
De ce fait, notre patiente nécessite une double prise en charge :
Ø Vis-à-vis le problème stomatologique qui nécessite une complète remise en état de la cavité buccale, qui comprend :
o Le soin des caries superficielles : 11, 35 après assainissement parodontal ;
o L’extraction des dents à haut potentiel infectieux : 47, 36, 31, 41, 42, 15, 27 ;
o Confection ultérieure d’une prothèse dentaire restauratrice non traumatisante.
Ø Vis-à-vis son état général qui comprend :
o Des précautions face aux différentes pathologies cardiaques que présente la patiente ;
o Des précautions face aux traitements en cours.
Ainsi la patiente est exposé à :
ü Un risque hémorragique ; lié à l’hypertension (fragilité capillaire), ainsi le traitement antiagrégant plaquettaire
ü Un risque infectieux ; représenté par l’endocardite infectieuse, selon la 5ème conférence de consensus de thérapeutique anti-infectieuse de Paris 1992, révisé en 2002, un patient présentant une valvulopathie mitrale est considérée comme cardiopathe à risque vis-à-vis de l’endocardite infectieuse.
ü Un risque syncopal ; consécutif à la cardiopathie ischémique (Angine de poitrine) et l’ HTA.
ü A un moins degré, un risque d’hypotension orthostatique liée au traitement.
ü Un risque très faible d’accès hypertensif paroxystique au cours de l’intervention.
Face à ces risques, il est impératif de suivre un protocole bien codifié :
1. A l’égard du risque hémorragique ;
Avec l’accord du médecin traitant, l’Aspégic doit être poursuivi, un contrôle de l’hémostase primaire est nécessaire, à savoir les taux de plaquette et le temps de saignement qui doit être peu allongé.
Des moyens d’hémostase locaux doivent être instaurés, à savoir :
- Les moyens chirurgicaux : points de sutures hermétiques
- L’application topique d’agents hémostatiques locaux résorbables
- L’application de colles et éventuellement la compression par la mise en place de gouttière réalisée au préalable et l’utilisation de la biothermo-coagulation.
2. A l’égard du risque infectieux ;
Une antibioprophylaxie sera administrée :
· si la patiente n’est pas allergique aux ß-lactamines, notre choix sera porté selon le protocole de la classification du consensus Européen du 27 Mars 1992 sur l’amoxicilline, qui sera administrée 1 heure avant l’acte à raison de 3 gr per os.
· Si elle est allergique au ß-lactamines, on doit faire recours soit à la clindamycine® à raison de 600 mg en per os 1 heure avant l’intervention, ou la pristinamycine® 1 g en per os 1 heure avant.
Cette prescription anti-infectieuse doit s’accompagner d’une antisepsie locale par application de BDB en pré-opératoire pour diminuer la charge microbienne présente dans la cavité buccale.
3. A l’égard du stress :
Une préparation psychologique ayant pour but une réduction du maximum du stress et de l’anxiété et si nécessaire, une préparation médicamenteuse sédative sera prescrite la veille et le jour de l’intervention, et notre choix se portera sur les Benzodiazépines qui ont un effet dépresseur limité sur le système cardiovasculaire ou mieux l’hydroxyzine (ATARAX) qui outre ses propriétés anxiolytiques possède une action de régularisation du rythme cardiaque.
4. Enfin avant d’intervenir, il faut :
- Veiller ce que le prise des médicaments soit respectée ;
- Que la patiente soit programmée le matin ;
- Que les séances doivent être de courte durée ;
- Que la TA soit dans les normes avant d’intervenir ;
- Et il faut s’abstenir d’utiliser les vasoconstricteurs dans les anesthésiques ainsi que l’anesthésie loco-régionale.
DECISION THERAPEUTIQUE :
Face à un problème stomatologique chez un cardiopathe à risque infectieux, le traitement radical s’impose pour les dents à potentiel infectieux, ainsi notre patiente nécessite l’extraction de la 47, 36, 31, 41, 42, 15, 27 et une surveillance stricte des autres dents après traitement conservateur endodontique.
Les extractions doivent être regroupées et programmées en séries pour profiter de l’antibioprophylaxie et de l’éventuel arrêt du traitement.
Après avoir contacter le médecin traitant et vu l’état général de la malade :
- Polymédiquée ;
- Valvulopathie ;
- Risque hémorragique ;
- Risque syncopal ;
- Tout en ne perdons pas de vu l’éventuelle survenue d’un accident au cabinet dentaire notamment une douleur liée à une cirse d’angor d’où la nécessité d’avoir un vasodilatateur tel la trinitrine administrée par voie sub linguale.
De ce fait, il sera plus judicieux de prendre le malade en milieu hospitalier avec l’assistance d’un médecin anesthésiste réanimateur et réaliser des extractions multiples sous AG après avoir préparer la patiente vis-à-vis son édentement.
CONCLUSION :
Bien qu’il soit indispensable de savoir et de pouvoir traiter une urgence ou une complication au cabinet dentaire, la priorité reste toute fois de prévenir toute manifestation.
En fonction des risques, la prévention reste la réalisation éventuelle des soins en milieu hospitalier.
Tags: cardiopathe, CAT, conduites à tenir, POLYMEDIQUEEPosted in pathologie dentaire | No Comments »
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