4/08/2011

Reconstitution corono-radiculaire des dents dépulpées

Reconstitution corono-radiculaire des dents dépulpées
Les restaurations coronaires à ancrage corono-radiculaire que nous appellerons, pour simplifier, restaurations corono-radicu­laires (RCR), constituent le dernier recours dans le traitement des grandes pertes de substance de l’organe dentaire provoquées par la carie ou un traumatisme.A ce stade, la dent est dépulpée et nécessite une « remise en bon état » esthétique et fonctionnel.
2- Effet de la vitalité pulpaire :
A- Inconvénients :
La suppression de la vitalité pulpaire a pour effet de transformer l’ensemble epithélio-conjontif email-dentine en un corps mort : ce séquestre puisque il faut l’appeler par son nom, est retenu dans l’alvéole grâce à la persistance de la vitalité du cément (élément du parodonte) qui adhère fortement à la dentine radiculaire,
Les matières organiques de l’émail et de la dentine s’altèrent et ces tissus minéralisés ne deviennent plus que des masses minérales dont la résistance mécanique varie selon leur struc­ture. Dans l’ensemble, un fait caractérise la « dévitalisation . c’est la fragilité de l’émail et de la dentine, l’émail étant plus fragile que la dentine les conceptions des restaurations doivent tenir compte de cette modification de la résistance méca­nique des tissus minéralisés.
Un autre effet de la perte de vitalité pulpaire est une modification de la tein­te des dents.
B. Avantages :
Si la dépulpation est une source d’inconvénients sérieux, a l’inverse, elle offre un avantage très important utilisé dans le traitement des grosses pertes de substances
la possibilité de rétention en en profondeur, au niveau de la cavité pulpaire (chambre pulpaire et canaux radiculaires). L’étude de la restauration des dents sans vitalité pulpaire prend ainsi l’aspect d’un diptyque : inconvénients biologiques mais avantages techniques

3-UTILISATION DE LA CAVITE PULPAIRE POUR LA RETENTION
La disparition de la pulpe permet d’étendre la reconstitution dans des régions qu’on se fait un devoir de respecter quand la vitalité pulpaire existe, a savoir les canaux radiculaires.
a- Dans le sens axial la rétention est assurée par l’application du principe ".plus profond que larges. Devant des pertes de substances très étendues, l’extension de la préparation à la cavité pulpaire permet que cette condition soit réalisée ; on peut chercher la rétention simplement dans la chambre pulpaire ou plus profondément dans les canaux a l’aide de tenons radiculaires
Un détail qui a son importance : quelle que soit la limite atteinte par la préparation (orifice des canaux, ou tiers apical), il faut qu’il persiste, au-delà de la restauration, de la pâte à canaux pour maintenir le bon état de santé des tissus sous-jacents et assurer la cicatrisation qui suit l’intervention endodontique.
Il est bien évident aussi que pour des pertes de substances étendues, ces réten­tions en profondeur rendent un très grand service dans la constitution des restau­rations. il ne faudrait pas, pour autant, dépulper systématiquement dans tous ces cas ; il existe en effet toute une série de possibilités de rétention par tenons dentinaires qui permettent de conserver la pulpe vivante. Avant de dépulper pour une raison d’ordre prothétique, il faut rassurer qu’il n existe pas un moyen valable de restauration avec conservation vivante de la pulpe ; cette pensée est aussi applicable en prothèse conjointe.
b. L’extension de la préparation à la zone caméro-canalaire augmente la rétention dans le sens transversal.
C’est la raison pour laquelle, sur une dent privée de pulpe, il est toujours intéressant de pratiquer cette extension, il est tout à fait inadéquat, pour faire une belle cavité, de reconstituer en ciment la « marche », qui existe entre les cavités principale et secondaire sur dent pulpée ; l’incorporation de la chambre pulpaire dans la préparation est tout à fait conseillée.
Donc il faut :
1 — conserver le maximum d’épaisseur aux parois latérales,
2 — recouvrir les faces occlusales,
3 — utiliser les rétentions en profondeur,


4- Comportement mécanique de la RCR :
-La restauration peut être délogée par des forces de traction axiale auxquelles elle s’oppose par sa rétention.
- Prenant appui sur un de ses bords, elle peut être basculée par des forces latérales auxquelles elle s’oppose par sa résistance.
- Par son ou ses tenons radiculaires, elle permet la transmission de ces forces à la racine : les contraintes engendrées ne sont pas périphériques et parallèles à la surface,comme sur une dent intacte mais centrales et per­pendiculaires et prédisposent ainsi à la fracture radiculaire
Ces trois éléments conditionnent la valeur mécanique de la restauration et celle-ci est essentiellement tributaire du tenon radiculaire.

5- Le tenon radiculaire : généralités
Élément capital de la RCR, le tenon radiculaire présente une série de caractéristiques intrinsèques dont dépend la solidité de celle-ci, à savoir sa rigidité flexionnelle, son pouvoir rétentif, sa jonction avec la restauration coronaire.
a1- Rigidité flexionnelle
C’est par sa rigidité que le tenon assure le renfort des structures coronaires restantes et la résistance de la restauration aux forces latérales. Sous l’effet de celles-ci, un tenon trop peu rigide subira une flexion élastique qui peut dépasser le seuil d’élasticité de la dentine radiculaire et provoquer sa fracture. De plus, la couche de ciment à l’interface tenon-dent n’a pratiquement aucune élasticité et ne peut donc épouser les déformations respectives du tenon et de la dentine qu’en se fragmentant, premier acte du descellement. La rigidité est donc essentielle. Elle est pro­portionnelle au module d’élasticité du métal utilisé et au diamètre du Tenon

Alliages précieux type III ou IV coulés 80 x 103 MN/m2
Alliages précieux étirés 96 à 117 x 103 MN/m2
Laiton 117 x 103MN/ml
Titane HCP 110 x 103MN/m2
Acier 18/8 179 x 103MN/ml
Nickel-chrome 215 x 103MN/m2
Tableau -1- : Module d’élasticité de divers matériaux utilisés dans les RCR



a2- Pouvoir rétentif
Le pouvoir rétentif du tenon est influencé par :
- sa longueur d’emmanchement,
- sa forme,
- son état de surface.
1- Longueur d’emmanchement
Logement du tenon radiculaire :
Quelque soit la méthode ou la technique utilisée, il faut que l’obturation canalaire soit totale ou tout au moins qu’il puisse persister de la patte a canaux au dessus de la loge a tenons. Se bouchant de patte permet le maintien du bon état de santé periapicale il ne doit pas être constituer par une patte résorbable en général la loge du tenon correspond au 2/3 de la longueur de la racine le bouchant en question correspond au 1/3 apical en tenant compte bien sure des conceptions que l’on possède sur les limites apicales de l’obturation canalaire.

La rétention augmente avec la longueur d’emmanchement comme l’ont montré
pour la première fois en 1968 COLLEY et coll. par des tests de traction.

On ne peut donc respecter la longueur de tenon souhaitée dans les cas :
- de racines apectomisées,
- de récessions gingivales importantes,
- de caries cervicales profondes,
- de racines courbées,
- de racines naturellement courtes : celles-ci sont estimées représenter plus de 25 % de la totalité des cas et appartiennent surtout aux incisives maxillaires et mandibulaires
2- Forme :
Les tenons radiculaires préfabriqués se présentent sous les formes cylindriques, coniques et cylindro-coniques. Les tenons coulés, dit anatomiques, sont le plus souvent coniques.
Tous les tests de traction portant sur des tenons normalisés installés dans des logements préparés avec les forets calibrés correspondants confirment que les tenons cylindriques sont plus rétentifs que les tenons coniques. COLLEY et coll. montrent que la rétention diminue avec l’angle de convergence (angle formé par le prolongement des faces latérales). Ils fixent à l’angle de convergence une valeur limite de 4°. Cependant, la forme cylindrique expose aux perforations latérales avec
les racines dont la partie apicale est étroite.
La forme cylindro-conique semble particulièrement intéressante puisqu’elle allie une partie cylindrique rétentive à une portion conique moins dangereuse pour la partie apicale de la racine.
3- État de surface :
L’état de surface est le facteur qui influence le plus la rétention d’un tenon. Il faut faire la distinction entre les tenons à taraudage dentinaire et les tenons sans taraudage.
a3- Jonction avec la restauration coronaire
Un maximum de contraintes se trouve concentré au niveau de la région cervicale de la dent : c’est pourquoi la jonction de la partie radiculaire avec la partie coronaire de la RCR doit être particulièrement solide

6- Restaurations :
Les tenons utilisés peuvent être des vis à taraudage dentinaire ou des tenons scellés.
1- Reconstitution sur vis à taraudage dentinaire
Indications :
Ces vis très rétentives sont particulièrement indiquées pour la restauration coronaire complète des dents monoradiculées où s’exerce un effort maximal sur le tenon. Il faut cependant que le volume radiculaire soit suffisant, puisque ces tenons sont toujours cylindriques, et que la couronne dentaire soit presque entièrement détruite car la plupart d’entre eux ont une tête très volumineuse. Par leur grand pouvoir rétentif, ces vis sont tout particulièrement indiquées pour les dents à racines très courtes où la rétention des tenons scellés risque d’être insuffisante.
a- Différentes formes :
1- Le système de Kurer


Système de Kurer.
A – Anchor System. B – Finlock. C – Crown Saver. D – Foret de pénétration. E – Foret de calibrage. F – Fraise à épaulement. G – Taraud. H – Clef.


2- Les vis canalaires Wirz-Strauman WS, (Institut Strauman, CH 4437, Waldenburg, Suisse)
Ces vis sont façonnées dans un alliage au cobalt, le « syntacoben », dont la résistance à la corrosion est exemplaire et dont les propriétés mécaniques surpassent celles des meilleurs aciers. La partie radiculaire se présente en deux longueurs dont chacune existe en deux diamètres.
La partie coronaire permet également un choix de trois longueurs de têtes. L’instrumentation comprend les forets, tarauds et tournevis comme dans le système de Kurer. Le pas de vis de ce tenon est plus espacé. C’est peut-être pour cette raison que le taraudage et la mise en place sont beaucoup plus aisés. Le pouvoir de rétention de ces vis est presque moitié moindre que celui des Kurer


Le système Wirz-Strauman (WS).
A – Tenon ; C- Foret de calibrage ; C – Fraise à épaulement ; D – Taraud ; B- Douilles de butée de profondeur ; F – Tenon monté sur la clef.


3- Le système Radix (Les Fils d’Auguste Maillefer, SA, 1338, Ballaigues, Suisse)
Construit en trois versions (acier inoxydable, cobalt-nickel -chrome – molybdène et titane), le Radix Anker est un tenon cylindrique autotaraudant. Sa partie radiculaire est dotée de quatre rainures longitudinales destinées à l’écoulement du ciment et d’un filet peu saillant, très tranchant, ne présentant que quatre spires espacées réalisant à la fois le taraudage et le vissage.
La partie coronaire est munie de cinq ailettes découpées qui assurent une rétention remarquable au composite mais gênent la condensation correcte de l’amalgame


Le système Radix.
A – Radix Anker ; B – Tenon RS ; C – Foret de pénétration ; D – Fraise à épaulement ; E – Foret de calibrage ; F – Clef de Thomas ; G – Jauge de profondeur et de calibrage. H – Clef.

4- Flexi-post (Essential Dental Systems, New York, N.Y.)
Ce tenon créé aux Etats-Unis n’est pas encore commercialisé en Europe. Il se caractérise par le fait que sa partie radiculaire est fendue longitudinalement dans sa moitié apicale pour réduire les contraintes lors du placement. Son filet espacé et tranchant réalise un autotaraudage ainsi que le démontre le grand pouvoir de rétention de ce tenon

2- Reconstitution sur tenons scellés sans taraudage dentinaire
Indications et descriptions de quelques tenons
Ces tenons scellés ont un pouvoir rétentif très satisfaisant mais cependant très inférieur à celui des Kurer (de 30 % à 45 %). Ils sont en général munis d’une tête peu volumineuse. Pour ces deux raisons, ces tenons devraient être réservés aux reconstitutions en amalgame ou en composite sur dents pluriradiculées. Dans ces cas, plusieurs tenons sont souvent associés et leur divergence a pour résultat d’accroître considérablement la rétention de la reconstitution par un effet de clavetage. Le pouvoir rétentif de chaque tenon pris individuellement perd, dès lors, de son importance.
C’est pourquoi, ces tenons peuvent être installés moins profondément que sur les dents monoradiculées et ceci devient impératif dans les racines mésiales des molaires inférieures et vestibulaires, des molaires supérieures dont la morphologie expose beaucoup plus aux perforations ou au stripping (alésage à fleur de surface radiculaire) .Les têtes des tenons doivent pouvoir cohabiter dans l’espace réduit que constitue la cavité et c’est pourquoi elles doivent être de petite dimension. C’est leur ensemble qui crée un ancrage pour le matériau de reconstitution. Parmi ces tenons, nous ne citerons que les plus connus.
La vis Dentatus (AB Dentatus, Jacobsdalsvâgen 14-16 126/53 Hâgersten)
Parmi les plus anciennes, la vis Dentatus qui se présente en vingt numéros différents par leur longueur et leur diamètre, existe en laiton doré et en titane. Le laiton est corrodable et la protection apportée par la dorure est contestée. Ces tenons ont pour principal défaut d’être trop peu rigides dans les petits diamètres.
Les vis FKG (Flückingen – Huguenin SA, Capelle 6a CH 2300, La Chaux de Fonds, Suisse)
Ces vis cylindriques n’existent qu’en un diamètre (1,3 mm) et dix longueurs différentes. Une série de quatre forets de calibre progressif permet d’aléser le canal à la dimension voulue, mais le quatrième foret produit un hyperalésage manifeste. Le diamètre unique limite les possibilités d’utilisation de ce tenon.
Les vis Unimetric (Les Fils d’Auguste Maillefer SA, 1338, Ballaigues, Suisse)
leur surface présente un filetage dont l’arête est arrondie. Leur diamètre à l’extrémité est d’1 mm. Elles existent en trois longueurs, identifiées par un code de couleurs, et présentées chacune en deux variantes en fonction de la longueur de la tête. L’instrumentation permet le placement rapide grâce aux repères de profondeur prévus sur les mandrins des forets. Ces vis existent en acier et en titane.
La vis Normatec (Tecalliage, 10 rue Gustave Rouapet, 75018 Paris)
Fabriquée en titane, cette vis cylindro-conique à filet arrondi se présente en trois longueurs dans chacun de ses six diamètres. En fait, les dimensions, les forets et le codage coloré de ces vis sont identiques à ceux des pivots pour reconstitutions coulées, ce qui forme un ensemble intéressant.
Les vis Ancorex (Svedia International SA, résidence Tamaris, Fontanivent, Ch 1817 Brent-Montreux, Suisse)
Ces vis en titane présentent une similitude pratiquement totale avec les vis Dentatus : même forme cylindro-conique, mêmes diamètres et mêmes longueurs. Elles sont cependant munies d’une gouttière d’écoulement. Les clés et les forets sont identiques. Ces vis sont présentées comme pouvant être scellées ou vissées dans la dentine suivant le calibre des forets respectifs utilisés pour réaliser le logement. La conformation de leur filetage et leur profil peuvent cependant laisser craindre que la tentative de vissage dans la dentine ne provoque un éclatement de la racine.

Séquence clinique
Alésage et calibrage
La pénétration du canal se fait toujours avec les mêmes précautions mais s’arrête généralement à mi-racine puisque ces tenons ne sont pas seuls à subir les contraintes mécaniques.
L’élargissement et le calibrage se font avec les forets appropriés munis de repères de profondeur en silicone sauf dans le système Unimetric où ces repères sont déjà gravés dans le mandrin
Nombre de tenons :
Lorsqu’il ne reste que la partie radiculaire, un tenon est placé dans chaque canal. Par contre, s’il subsiste plus de la moitié du volume coronaire, il suffit d’un seul tenon placé de telle sorte qu’il soit centré au sein de l’obturation. Il faut tenir compte de ce que les couches périphériques de la dent seront éliminées par la préparation destinée à la couronne de recouvrement. Ainsi, la prémolaire dont il ne reste que la cuspide vestibulaire doit-elle être reconstituée avec deux tenons car la préparation d’une CCM ou d’une CIV va faire disparaître cette cuspide.
Scellement :
Après lavage et séchage des canaux, le scellement se réalise par double enduction, en utilisant de faibles quantités de ciment. Il est possible que les tenons doivent être scellés en plusieurs temps successifs, la tête du premier devant être retouchée pour permettre le placement correct du suivant.
Reconstitution :
Après ajustage d’une matrice ou d’une bague, le matériau, amalgame ou composite, est mis soigneusement en place. Il doit pouvoir être foulé entre les tenons et dans tous les recoins de la cavité. Les composites et les amalgames ont des propriétés mécaniques suffisantes. Pour autant que leur ancrage radiculaire soit valable, ils permettent de réaliser au niveau des molaires et de beaucoup de prémolaires des reconstitutions préprothétiques économiques et tout à fait valables.



Le système Unimetric : séquence clinique.A – Choix, d’après la radiographie, d’un tenon de longueur adéquate : les repères de profondeur des forets correspondants indiquent cette longueur.B – Forage et calibrage à la bonne profondeur grâce au repère.C – Moignon reconstitué en amalgame sur deux tenons et couronne coulée.


7- Autres formes cliniques :
Séquence clinique de la préparation d’une
CTR céramométallique ou d’une CTR à
incrustation vestibulaire
v-Section de la couronne à mi-hauteur perpendiculairement à
son grand axe.
v-Dépose des obturations.
v- Préparation du logement du tenon.
vpréparation du chanfrein vestibulaire et de l’épaulement
buccale
v- prise d’empreinte
v- étape laboratoire : réalisation de la CTR
v- essayage
v- scellement


B-RCR en 2 étages moignon coulé + couronne :

R.C.R. en cas de fracture sous-gingivale profonde.


Les RCR existent en diverses variantes cliniques Mais, pour faire le bon choix dans cette variété de matériaux et de techniques, il est souhaitable d’avoir à l’esprit quelques notions théoriques concernant le comportement mécanique de la dent, le comportement mécanique de la restauration et les propriétés que devrait présenter le tenon radiculaire, pièce maîtresse de ce type de restauration.

Bibliographie :
-EMC Tome -9- « la restauration coronaire à ancrage corono –radiculaire »
-www.dentalspace.com

4 commentaires:

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